Rupture

Rupture

QUEL EST LE PROBLEME ?

A l’état normal, les 4 tendons de la coiffe (supra-épineux, infra-épineux, petit rond et sous-scapulaire) participent aux mouvements de l’épaule mais également à sa stabilité en empêchant qu’elle ne monte sous l’acromion (cf chapitre anatomie de l'épaule). Après 40 ans, cet équilibre peut être perturbé par plusieurs phénomènes imbriqués les uns avec les autres. Le vieillissement naturel ou provoqué des tendons (le supra-épineux surtout) rend moins efficace l’abaissement de la tête humérale. Celle-ci remonte lors des mouvements de l’épaule et rentre alors en conflit avec l’acromion, créant ce qu’on appelle un conflit sous acromial. Ce dernier altère encore plus les tendons, surtout si sa forme a tendance à le faire pointer en direction de vos tendons (bec acromial).

Ce conflit sous-acromial chronique associé à un vieillissement tendineux naturel font que les tendons de la coiffe se fragilisent et se déchirent progressivement : c’est la rupture de la coiffe des rotateurs. Un traumatisme peut également rompre ces tendons ou simplement finir de déchirer des tendons déjà usés. Ces ruptures sont très fréquentes puisqu'on estime que 50% de la population est porteuse d'une rupture de la coiffe après 80 ans, sans gêne dans leur vie quotidienne.

QU'EST CE QUE VOUS RESSENTEZ ?

Les douleurs sont présentes lors de certains mouvements du bras, principalement lors des efforts.  Les douleurs nocturnes sont variables. La mobilité de l'épaule est très longtemps conservée mais certains mouvements sont difficiles à réaliser (en fonction du tendon rompu). En revanche, on retrouve une perte de force dans certains mouvements habituellement réalisés par le ou les tendons rompus. Attention, l’intensité de la douleur n’est pas fonction de la gravité de l’atteinte des tendons. A l'inverse, la perte de force sera proportionnelle au nombre de tendons rompus.

COMMENT IDENTIFIER VOTRE PROBLEME ?

Tout d’abord l'examen clinique de votre épaule par votre médecin ou votre chirurgien est le préambule obligatoire. Il permettra d’orienter le problème et ainsi de vous prescrire les bons examens.

Une radiographie de l’épaule de face (idéalement 3 rotations : neutre, externe, interne) et un profil dit de Lamy sont obligatoires avant tout autre examen car ils sont très informatifs. Une échographie est souvent associée pour avoir une première vision de l'état de votre coiffe.

S’il existe un doute sur une éventuelle rupture de la coiffe, l'échographie est insuffisante et devra être complétée par une IRM ou un arthroscanner (scanner avec injection de produit de contraste).

COMMENT TRAITER VOTRE PROBLEME ?

Traitement médical
Il associe :

  • Des médicaments antalgiques (contre la douleur) et des anti-inflammatoires.
  • Une ou plusieurs infiltrations de corticoïdes réalisées au mieux sous contrôle radiologique (radiographie ou échographie).
  • Des exercices de rééducation chez votre kinésithérapeute dont le but est de récupérer la souplesse de votre épaule, de travailler les muscles permettant d’abaisser la tête de l’humérus pour éviter que celle-ci ne frotte sous l’acromion et de travailler les muscles qui vont prendre le relais de votre muscle dont le tendon est rompu.
  • Repos relatif en évitant tous les travaux répétitifs et les efforts bras en l’air.

Le but est de retrouver la souplesse de votre épaule, de guérir l’inflammation responsable des douleurs et de compenser la perte de fonction d’un muscle en renforçant les autres. Mais en aucun cas il ne permettra à vos tendons de guérir car ils ne peuvent pas cicatriser spontanément, d'où une perte de force et une fatigabilité résiduelles du bras dans les gestes en hauteur, ressenties par le patient.
Même si ce traitement ne vous apporte pas le résultat attendu, il permettra de préparer au mieux une éventuelle intervention chirurgicale en assouplissant votre épaule. Un tendon de la coiffe peut rester plusieurs mois rompu sans que cela ne compromette sa réinsertion par une opération.

Traitement chirurgical
Il est indiqué en cas d’échec du traitement médical bien mené pendant 3 à 6 mois ou directement dans certaines situations, notamment chez les patients âgés de moins de 60 ans ou en cas de rupture traumatique.

L'intervention n'est possible que si vos tendons sont réparables. La réparabilité est jugée selon 3 critères :

  • Le degré de rétraction des tendons : plus le tendon est rétracté sur lui même, moins la réparation est possible.
  • Le nombre de tendons rompus (de 1 à 4) : plus il y a de tendons rompus, plus la cicatrisation tendineuse complète sera difficile à obtenir.
  • La dégénérescence graisseuse du muscle : quand le tendon est rompu, le muscle ne fonctionne plus ou moins bien. Il se transforme alors en graisse. On considère que le muscle est non fonctionnel quand au moins la moitié de celui-ci est graisseux.

La réparation de la coiffe des rotateurs consiste à réinsérer les tendons de votre épaule qui se sont détachés de leur insertion osseuse. L’intervention est réalisée soit sous anesthésie générale associée à une anesthésie loco-régionale de l’épaule soit sous anesthésie loco-régionale seule (en fonction du type de rupture à réparer et à confirmer lors de la consultation de pré-anesthésie). Ces éléments vous seront expliqués plus précisément en consultation par nos confrères anesthésistes.

La chirurgie consiste :

  • à enlever les éléments inflammatoires responsables des douleurs.
  • à gratter l’acromion et à enlever un ligament sous cet os, permettant d’enlever la zone sur laquelle frotte vos tendons (acromioplastie).
  • à remettre vos tendons à l’endroit où ils étaient insérés auparavant en fixant des «chevilles» appelées ancres dans la tête de l’humérus (réparation de coiffe).
  • à supprimer une partie du tendon du biceps qui ne fonctionnera plus normalement après l’opération si on le laisse en place et qui est responsable d’une partie des douleurs avant l’intervention (ténodèse du biceps).

Cette intervention ne nécessite pas d’ouvrir votre épaule mais s’effectue de l’intérieur avec l’aide d’une caméra : c’est l’arthroscopie (cf chapitre arthroscopie de l'épaule). La durée de l’intervention est en moyenne d’une heure. Elle s'effectue en chirurgie ambulatoire. Un exemple vidéo de réparation de la coiffe des rotateurs est visualisable sur le lien suivant : 
Un pansement volumineux est réalisé en fin d’intervention pour récupérer le liquide mis en place pendant l’opération (sérum physiologique) indispensable à la bonne vision de la caméra.

Un gilet immobilisant votre bras est placé avant votre réveil pour protéger les tendons réinsérés. Le type de gilet (coude au corps ou coussin d'abduction) est dépendant des tendons réparés et sera maintenu 4 semaines.

Les suites de votre opération
Le soir de l'intervention, un prestataire de soin viendra à domicile mettre des médicaments antalgiques par le cathéter veineux laissé en place à la sortie de la clinique, afin d'encadrer au mieux les douleurs post-opératoires qui apparaissent à la levée de l'anesthésie de l'épaule. Le lendemain de l’intervention, le volumineux pansement post-opératoire est relayé par des petits pansements simples, qui seront refais par une infirmière à domicile jusqu’à l’ablation des fils (au 15ème jour environ). Les antalgiques intra-veineux seront continués si nécessaire.
Des exercices d’auto-rééducation vont seront enseignés par les kinésithérapeutes, pour récupérer le plus rapidement possible la mobilité de votre épaule (cf rééducation de l'épaule opérée). Vous les répéterez ensuite 2 fois par jour à votre domicile pour éviter à votre épaule de s’enraidir. Dans certains cas, le membre supérieur opéré peut rester immobilisé totalement afin de ne pas mettre en péril la cicatrisation tendineuse. La rééducation sera dans ce cas différée jusqu'à l'ablation de l'attelle.

La première consultation de contrôle est effectuée au cabinet de votre chirurgien à 4 semaines post-opératoires, pour ôter le gilet d’immobilisation et démarrer les séances de rééducation auprès de votre kinésithérapeute (n’hésitez pas à prendre votre premier RDV de kinésithérapie à l’avance pour que la première séance soit la plus proche possible de ce RDV chirurgical).

Le chirurgien vous revoit ensuite à 3 mois et à 6 mois de l’intervention (date à laquelle vos tendons sont considérés comme cicatrisés). La date de reprise du travail est fonction de l’emploi exercé (3 mois en moyenne pour un travailleur administratif, 6 mois en moyenne pour un travailleur manuel de force). Pour les travailleurs manuels, entre 3 et 6 mois post-opératoire, une consultation de pré-reprise sera demandée par le patient lui même auprès de son médecin du travail, afin d’anticiper au mieux les conditions de reprise à 6 mois.

QUELS SONT LES RISQUES PARTICULIERS DE VOTRE INTERVENTION ?

  • Les complications postopératoires immédiates sont rares. Comme toute chirurgie, il existe un risque d’hématome qui se résorbe en règle générale tout seul. Il peut exceptionnellement nécessiter une ponction évacuatrice ou un drainage chirurgical.
  • Il peut également survenir un trouble de cicatrisation cutanée. L’évolution est très souvent favorable avec la poursuite des pansements.
  • L’infection profonde est exceptionnelle. Elle peut nécessiter une nouvelle chirurgie et un traitement prolongé par antibiotiques. Il vous est fortement déconseillé de fumer pendant la période de cicatrisation, le tabagisme augmentant de manière significative le taux d’infection et diminuant le taux de cicatrisation des tendons.
  • La capsulite rétractile est une rétraction de la capsule de l’articulation entrainant une diminution de la mobilité passive et active de l’épaule. Elle est favorisée par l’immobilisation postopératoire. Elle récupère dans la grande majorité des cas, mais dans des délais plus longs. Pour diminuer ce risque, les kinésithérapeutes vous enseignent des exercices spécifiques de mobilisation de votre épaule dès le lendemain de l’intervention chirurgicale. Elle peut parfois entrainer une raideur partielle séquellaire.
  • L’algodystrophie est un phénomène douloureux et inflammatoire encore mal compris. Elle est traitée médicalement et peut durer plusieurs mois (voire parfois des années), entrainant une prise en charge spécifique avec rééducation adaptée, bilans complémentaires et parfois prise en charge spécifique de la douleur. Elle est imprévisible dans sa survenue comme dans son évolution et ses séquelles potentielles. Elle reste heureusement exceptionnelle.
  • Les lésions nerveuses sont exceptionnelles.
  • L'absence de cicatrisation tendineuse est la complication la plus redoutée. Elle est fortement dépendante du bon respect des consignes post-opératoires par le patient ainsi que le kinésithérapeute et de la qualité tendineuse et musculaire pré-opératoire.

La liste n’est pas exhaustive et une complication particulièrement exceptionnelle peut survenir, liée à l’état local ou à une variabilité technique. Toutes les complications ne peuvent être précisées.

En cas de problème ou si vous constatez quelque chose d’anormal après l’opération, il faut contacter votre chirurgien, car prendre en charge précocement une complication permet en général de mieux la guérir. Il pourra également vous rassurer si ce que vous ressentez est normal.

RESULTAT ATTENDU DE VOTRE INTERVENTION

Le but de cette chirurgie est d’améliorer la fonction globale de votre épaule en supprimant les douleurs de l’épaule et en restaurant une fonction la plus proche possible de la normale pour votre âge.
Des douleurs climatiques ou positionnelles peuvent perdurer avec le temps, mais la grande majorité des douleurs pré-opératoires disparaissent progressivement. Dans la majorité des cas, l’épaule est jugée fonctionnelle vers 6 mois post-opératoire. La force s’améliore jusqu’à un an post-opératoire.

La qualité du résultat fonctionnel final est dépendante de la cicatrisation tendineuse : plus la cicatrisation tendineuse sera complète plus le résultat fonctionnel final sera de qualité. Parfois, on n'obtient qu’une cicatrisation partielle voire aucune cicatrisation des tendons. Cette absence de cicatrisation peut être bien tolérée par les patients, surtout avec l’âge avançant, mais expose à une dégradation progressive de votre épaule avec le temps, que l'on n'observe pas en cas de cicatrisation complète. Le parfait respect des consignes post-opératoires est impérative pour ne pas mettre en danger la cicatrisation tendineuse et donc la fonction finale de votre épaule.

QUELS SONT LES RISQUES EN CAS DE NON-OPERATION ?

Le risque est la rétraction du ou des tendons loin de leur attache normale. En cas de rupture importante de la coiffe, l’évolution vers l’arthrose (c’est à dire l’usure du cartilage de l’articulation) est fréquente en quelques années. Au stade d’arthrose, la réparation des tendons n’est plus possible. Même si l’arthrose de l’épaule est souvent mieux supportée que sur des articulations dites portantes (hanche, genou), elle peut tout de même être à l’origine de douleurs et de raideurs importantes (cf chapitre épaule arthrose et prothèse). C’est pour ces raisons que plus le patient est jeune, plus l’indication de réparation chirurgicale est nécessaire.

EN RESUME

La réparation de la coiffe des rotateurs de l’épaule est un geste chirurgical fréquent. C’est une intervention délicate dont le résultat final est conditionné par la cicatrisation tendineuse, ce qui nécessite une implication complète du patient tout au long du processus thérapeutique. Le but de cette opération est de faire disparaître le handicap induit par la lésion de la coiffe. En l’absence de complication, cette opération permet au patient de retrouver une épaule physiologique pour son âge.